Une révision audacieuse et urgente du modèle de développement tunisien est cruciale pour atteindre une croissance économique plus forte et durable, capable de répondre aux aspirations de la population et de relever les défis actuels.
Quel est l’impact du nouveau modèle de développement sur la croissance économique en Tunisie ?
Le modèle de développement actuel de la Tunisie, caractérisé par une forte dépendance aux importations, des subventions étatiques élevées et une présence prédominante de l’Etat dans l’économie, semble atteindre ses limites. Cette situation entraîne des déséquilibres macroéconomiques, une inflation persistante, un déficit budgétaire structurel qui ne cesse d’augmenter et un endettement public élevé, freinant ainsi la croissance économique qui se limite en 2024 entre 1,2% selon les estimations de la Berd et 1,6% selon les estimations du FMI. Ce modèle de développement est aussi impacté par l’environnement économique international qui se trouve en crise à cause de la situation en Russie et au Proche-Orient. Même en 2025, les prévisions de croissance semblent être pessimistes limitant notre taux de croissance à 1,6% selon le FMI.
En somme, une révision audacieuse et urgente du modèle de développement tunisien est cruciale pour atteindre une croissance économique plus forte et durable, capable de répondre aux aspirations de la population et de relever les défis actuels.
Les prévisions du déficit budgétaire de la Tunisie montrent une tendance à la baisse entre 2024 et 2025. Pour 2024, le déficit est prévu à environ 6,6 % du PIB, soit 11,5 milliards de dinars tunisiens (TND). En 2025, il devrait diminuer pour atteindre 5,2 % du PIB, soit environ 10 milliards TND. Ce niveau demeure toujours élevé et, en lui ajoutant l’obligation de l’Etat tunisien à rembourser les échéances futures de ces crédits, ceci implique un niveau d’endettement élevé. En effet, en 2025 la Tunisie doit emprunter 28 milliards de dinars dont 22 milliards de dinars sous forme d’emprunts intérieurs, l’utilisation de ces emprunts visent principalement le remboursement des échéances de crédit pour 18 milliards de dinars et le reliquat, à savoir 10 milliards de dinars, pour financer le déficit budgétaire. La Tunisie doit réduire son niveau d’endettement par, principalement, faire réduire son déficit budgétaire. Durant les années antérieures, nous avons constaté une augmentation considérable des dépenses publiques non productives et, en contrepartie, l’Etat a augmenté sa pression fiscale sur les contribuables (étant donné que les recettes fiscales demeurent la rubrique la plus importante des recettes de l’Etat) sans pour autant fournir un climat favorable pour l’investissement.
Ainsi cette situation a causé la stagnation de la croissance de l’Etat, combinée avec un taux d’inflation important; ainsi nous parlons d’une situation de STAGFLATION. Devant cette situation, la Tunisie doit mettre en place une stratégie combinant rigueur budgétaire, réforme fiscale, promotion de l’investissement, et amélioration de l’efficacité de l’Etat. Pour les années futures, l’objectif devrait être d’atteindre un équilibre entre une réduction progressive de la dette et une croissance économique durable, en utilisant des ressources limitées de manière optimale pour assurer la prospérité du pays à long terme.
-Les petites et moyennes entreprises (PME) jouent un rôle clé dans l’économie tunisienne. Quelle place occupent-elles dans le modèle de développement actuel?
Les petites et moyennes entreprises (PME) jouent un rôle clé dans l’économie tunisienne, représentant environ 90 % du tissu entrepreneurial et générant une part importante de l’emploi et du PIB du pays. Ces (PME) se trouvent très fragilisées après la crise sanitaire mondiale (Covid-19) et la crise économique en Europe causée principalement par les guerres en Russie et au Proche-Orient. Elles souffrent, sur le plan national, d’une pression fiscale qui ne cesse d’augmenter d’année en année. Face à cette situation, ces (PME) expriment de plus en plus un besoin en financement. Ce besoin n’est pas satisfait actuellement par un système bancaire penché vers le financement de la dette publique de l’Etat au détriment de l’économie nationale. Elles se trouvent, en effet, en situation de recherche de solutions alternatives de financement basées principalement sur le recours massif à la délivrance des chèques à échéance avec le risque qui en découle de cette situation…mais elles se trouvent dans l’incapacité de trouver une autre solution.
-Face à l’augmentation des prix, quelles sont les mesures à prendre pour préserver le pouvoir d’achat des Tunisiens?
Avant de répondre à cette question, il faut chercher les causes de l’inflation en Tunisie. En effet, ces causes tournent principalement autour des points suivants : la hausse des prix de matières premières importées à l’échelle internationale, l’augmentation des dépenses publiques disproportionnellement à la croissance économique tunisienne, l’augmentation de la pression fiscale aussi bien sur les produits importés que sur la production locale et le coût élevé de financement des PME dû au niveau élevé du TMM ces dernières années.
Les précautions à prendre doivent corriger les constats ci-dessus mentionnés. Des mesures évidentes et immédiates peuvent être prises en considération comme par exemple : la réduction des impôts et taxes sur les matières premières à l’importation ainsi que les produits finis importés et n’ayant pas de similaires au niveau national et qui sont nécessaires pour les foyers tunisiens, la réduction du taux directeur du marché monétaire (TMM), le contrôle plus rigoureux et intelligent des circuits de distribution. Il s’agit aussi d’améliorer le climat des affaires en mettant en place des mesures attractives aussi bien pour les investisseurs locaux que pour les IDE et, par la suite, lancer des projets en PPP afin de freiner la croissance rapide et démesurée des dépenses publiques.
-Quelle est votre perception de la révision du modèle de développement?
La Tunisie doit profiter de sa situation géographique entre deux principaux continents: l’Afrique et l’Europe. Il faut travailler afin de rendre la Tunisie un pays attractif aux investisseurs aussi bien locaux qu’étrangers. Je reviens toujours au même objectif : il faut améliorer le climat des affaires en Tunisie, cette amélioration nécessite un travail effectif et efficace et non pas des paroles sans concrétisation. L’amélioration du climat des affaires nécessite une révision de la réglementation actuelle aussi bien en terme du code d’investissement ou le code de change que nous avons attendue beaucoup et que nous continuons à attendre, un accès facile au financement avec d’autres modèles alternatifs en coupant avec le modèle bancaire actuel, une digitalisation du processus d’investissement au niveau de la création juridique des sociétés, une amélioration des ports maritimes en Tunisie afin de renforcer le commerce, stimuler l’économie et attirer les investissements et une stabilité fiscale sur le long terme. Le modèle fiscal que nous devons adopter doit viser à limiter voire éliminer définitivement les opérations en cash afin de pouvoir combattre l’économie parallèle.